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Le 01 octobre 2019

Suivant acte notarié en date des 25 avril et 14 mai 2004, M. A X, aujourd’hui décédé et son épouse Mme F B C ont acquis de la SAFER de Franche-Comté (ci-après la SAFER) un ensemble immobilier comprenant une exploitation agricole et plusieurs terrains attenants ou dépendants situés sur la commune de Fontaine-les-Luxeuil.

L’EARL Mansolein (l''EARL), qui exploite un haras, a pris à bail à ferme une partie des terrains à compter du 1er mai 2004.

Constatant l’apparition de pathologies affectant les chevaux et les imputant à une pollution des terrains achetés, les époux X ont vainement saisi la SAFER d’une demande de résolution amiable de la vente puis Mme B C et l’EARL ont fait assigner celle-ci, ainsi que la Communauté de communes du Val de Semouse, devant le Tribunal de grande instance de Vesoul. Appel a été relevé du jugement du TGI.

Pour obtenir la résolution de la vente, l’EARL et Mme B C, acquéreurs, soutiennent principalement que les terrains, acquis en 2004 de la SAFER, ont fait l’objet, antérieurement à la vente, d’une pollution aux métaux lourds résultant du fonctionnement du centre d’enfouissement technique du Hays ; elles soutiennent que cette pollution affecte gravement la santé des chevaux et rend de la sorte les terres impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.

Pour démontrer l’existence de cette pollution, l’EARL et Mme B C invoquent dans un premier temps les problèmes rencontrés par le centre d’enfouissement technique du Hays lors de ses années de fonctionnement ; si les pièces qu’elles versent à leur dossier attestent effectivement d’un certain nombre de dysfonctionnements de la décharge, elles n’autorisent toutefois pas à conclure à une pollution des parcelles voisines .

L'EARL et Mme B C produisent ensuite aux débats un relevé d’analyse des eaux souterraines et superficielles réalisées en septembre 2010 en plusieurs endroits différents après la fermeture du site contesté  ’il y a lieu de s’intéresser en particulier aux résultats obtenus à la suite des prélèvements opérés au niveau des piézomètres implantés dans la prairie voisine du haras Mansolein, soit les piézomètres PZ1, PZ2 et PZ3 .

Le tableau récapitulatif des résultats obtenus au niveau des piézomètres 1, 2 et 3 atteste de façon incontestable l’absence de pollution aux métaux (chrome, cuivre, mercure, nickel plomb…) aux composés organiques (benzène, toluène…) ainsi qu’aux composés organo- halogénés volatils (chlorométhane, chlorobenzenes,…) ; en effet, les prélèvements effectuées ont soit donné des taux inférieurs aux normes réglementaires de référence (AM des 15 mars 2006 et 11 janvier 2007), soit n’ont pas permis de déceler les substances recherchées ; l’EARL et Mme B C ne commentent pas ces résultats alors qu’ils ont été obtenus à proximité des terrains litigieux .

Ll’EARL et Mme B C mettent surtout en avant les résultats des prélèvements effectués au niveau des alvéoles, lesquelles avaient vocation à réceptionner les déchets ; qu’il n’est pas surprenant qu’en ces endroits, qui constituaient le coeur du site, soit retrouvées dans les prélèvements de fortes concentrations de métaux (plomb, cuivre, zinc…) de phtalates (composés chimiques dérivées de l’acide phtalique et utilisé comme plastifiants des matières plastiques), des traces de chlorobenzenes et la présence de polychlorobiphényles ; l’auteur du rapport précise, s’agissant des PCB, si les 7 congénéres (dits PCB « indicateurs ») sont présents dans les matériaux prélevés, ils le sont à des teneurs inférieures aux critères de caractérisation des déchets inertes tels qu’ils résultent de l’arrêté ministériel du 15 mars 2006 .

La SAFER fait justement observer qu’il y a lieu de faire la distinction entre les résultats obtenus au niveau des alvéoles et ceux recueillis au niveau des piézomètres, notamment au niveau des piézomètres 1, 2 et 3 ; pour contourner cet argument l’EARL et Mme B C font valoir la configuration naturelle des lieux et expliquent que le centre d’enfouissement étant situé à une altitude plus élevée que les terrains achetés à la SAFER, la différence de niveau a favorisé l’écoulement de substances polluantes issues de l’exploitation du site de déchets vers leur propriété ; que cependant, si tel avait été le cas, une pollution aurait été décelée au niveau des piézomètres 1, 2 et 3 ;

L’EARL et Mme B C produisent également des relevés d’eau et de terrain effectués entre 1997 et 2003 ; que comme indiqué plus haut, il y a lieu de s’intéresser aux relevés réalisés aux piézomètres 1, 2 et 3 ; une lecture attentive du tableau des résultats obtenus établit que les teneurs en cuivre et zinc alors relevées sont très inférieures aux seuils admis ;  pour leur démonstration les appelants préfèrent retenir des dépassements de seuils circonscrits à trois piézomètres et limités au seul manganèse lors de quelques années uniquement .

A ce stade de l’exposé il convient de constater que l’EARL et Mme B C ne rapportent pas la preuve que les terrains acquis de la SAFER étaient, lors la vente, pollués par des métaux lourds ou d’autres substances issues de l’exploitation du centre de déchets .

Pour pallier cette difficulté l’EARL et Mme B C expliquent que quand bien même les seuils relevés n’excéderaient pas ceux fixés par les normes réglementaires, la présence de certains métaux dans l’eau souterraine et dans les sols des parcelles achetées constituait un vice caché de la chose dès lors que, mélangés dans l’alimentation des chevaux, les métaux dont s’agit ont eu, par leur interaction, des conséquences toxiques sur leur santé, rendant ainsi les terrains impropres à leur destination .

Mais à supposer établie de la sorte l’existence de vices cachés, il appartient aux appelantes de démontrer l’impropriété des terrains vendus à l’usage auquel ils étaient destinés.

Pour établir l’impropriété des terres litigieuses à l’usage auquel elles étaient destinées, l’EARL et Mme B C affirment l’existence d’un lien de causalité entre leur prétendue pollution et l’apparition de pathologies chez les chevaux ; que pour conforter leurs allégations elles joignent à leurs écritures l’extrait d’un ouvrage consacré à l’alimentation du cheval, lequel liste les conséquences de l’absorption par cet animal de métaux tels que le plomb et le zinc ; si le sérieux des informations contenues dans cet ouvrage ne saurait être remis en question, ce document ne permet pas pour autant d’établir que le nombre des pathologies décelées chez certains chevaux du haras Mansolein serait anormalement élevé et qu’il procéderait d’une ingestion de végétaux et d’eau pollués au plomb et au zinc .

LEARL et Mme B C versent ensuite une attestation rédigée par un vétérinaire, dans laquelle son auteur affirme de façon péremptoire l’existence d’une pollution par des métaux lourds présente sur les terrains du haras et qui serait source de cas élevés de tumeurs dans l’élevage de chevaux ;  l’attestant n’indique pas sur quelles données objectives et démontrées repose son affirmation selon laquelle les terrains litigieux seraient pollués par des métaux lourds ; il ne précise pas d’avantage le nombre exact de chevaux affectés par les tumeurs ; qu’il est dès lors impossible pour la cour de constater l’existence d’une morbidité anormale des chevaux dont il conviendrait de trouver l’origine ;

L’EARL et Mme B C produisent aussi le compte-rendu d’une clinique vétérinaire, assurant le suivi des chevaux (pièce n° 10) lequel fait état en substance de:

—  deux chevaux qui ont connu des troubles locomoteurs et nerveux (troubles de l’équilibre),

—  de juments qui ont connu une baisse significative de leur fertilité,

—  de chevaux qui ont présenté des tumeurs cutanées .

Dans ce document il est indiqué à titre liminaire : « Le Haras de Mansolein,…, a mis en évidence en 2010 une pollution de l’eau et des sols auxquels les chevaux ont accès avec la présence de métaux lourds … » ; "il est manifeste à la lecture de cette affirmation que les conclusions tirées par les auteurs de ce document reposent sur les seules allégations de l’EARL et de Mme B C" ; il en est par ailleurs de même du courrier du Dr Corty qui ajoute néanmoins que la pollution invoquée par l’EARL et Mme B C « est sans doute une des raisons, sinon la raison unique pour la malchance dans votre élevage » .

Si le compte-rendu sus-visé mentionne effectivement des pathologies ayant affecté des chevaux du haras, il n’en précise pas le nombre exact pour chacune d’elle ;  la cour note que l’EARL et Mme B C se gardent de fournir des données chiffrées attestant d’une morbidité ou d’une mortalité anormales au sein de l’élevage et ne produisent aucun document médical démontrant que, pour chacune des pathologies décelées, la cause résidait dans la présence de certains métaux dans l’eau souterraine et dans les sols des parcelles litigieuses .

La SAFER verse pour sa part à son dossier des captures imprimées sur papier du site internet du Haras Mansolein ; il est loisible notamment d’y lire les informations suivantes : « Boxes et plus de 20 hectares de prés sont disponibles pour le bien être de votre cheval » ; le site internet recense également de nombreux chevaux et poulains hébergés dans le haras et destinés à la vente et loue les qualités du milieu ambiant qui permet des conditions d’élevage conduisant à des chevaux « bien dans leur tête avec une santé de fer les amenant à de belles performances » ;

Les développements qui précèdent conduisent à confirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils ont constaté l’absence de vices cachés et ont débouté l’EARL et Mme B C de leur demande de résolution du contrat de vente sur ce fondement.

Référence: 

- Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 24 septembre 2019, RG n° 18/00652