Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 10 février 2020

 

Les consorts Z-A soutiennent que le dommage dont se prévaut Mme X n’est dû qu’à son opposition à l’intervention de l’entreprise qu’ils avaient mandatée ; Mme X a délibérément favorisé le développement des bambous afin de battre monnaie.

Mme X soutient que ses voisins ont engagé leur responsabilité délictuelle et que le dommage constitue un trouble anormal de voisinage ; que des pousses de bambou ont repoussé à travers le goudron posé par l’entreprise  "Les Jardins de Kerperdrix" ; qu’elle n’a pas souhaité une nouvelle intervention de l’entreprise incompétente et en a fait intervenir une autre qui a fait un véritable travail.

Ceci étant exposé :

L’ordonnance rendue en référé le 19 novembre 2015 n’a pas l’autorité de la chose jugée au principal. Devant le juge du fond, il a appartient à Mme X de rapporter la preuve des faits qu’elle invoque et, le cas échéant, de son préjudice.

Il ressort des pièces que :

En juillet 2013, les consorts Z-A avaient fait poser par la société "Les Jardins de Kerperdrix", des «stops racines» autour de toutes les touffes de bambous sur leur propriété, à 50 cm de profondeur.

Le 16 octobre 2014, Mme X a fait constater par huissier que les bambous plantés sur la propriété Z-A avaient prospéré chez elle et que les rejetons et les racines soulevaient le bitume qui recouvrait les allées de la propriété sur environ 8 m².

Dans son ordonnance du 19 novembre 2015, le juge des référés a précisé que la somme de 5 791,50 € destinée à réparer par provision le préjudice de Mme X correspondait au montant des travaux sur le devis de l’entreprise Viallefond.

A l’issue de l’ordonnance du 19 novembre 2015, les consorts Z-A ont mandaté une entreprise dès le 8 janvier 2016, sans attendre la signification de l’ordonnance. Après un échange de courriers entre avocats, la société Les jardins de Kerperdrix est intervenue le 17 mars 2016. Il a été procédé aux travaux suivants :

  • sciage de l’enrobé soulevé par décapage de l’enrobé,
  • chargement et évacuation des déblais,
  • arrachage des bambous,
  • réglage du fond de forme à 4cm, mise en place d’enrobé à froid et compactage sur une surface de 10 m²,
  • réparation du grillage.

La facture adressée le 21 mars 2016 aux consorts Z-A est d’un montant de 1. 143,78 EUR.

Le 4 mai 2016, Mme X a fait procéder à un nouveau constat. L’huissier a constaté que deux bambous avaient à nouveau percer l’enrobé ; que sur la propriété Z-A des bambous d’une hauteur supérieure à deux mètres étaient proches de la limite séparative ; qu’une pousse de bambou se trouvait le long du grillage séparant les propriétés, à quelques mètres du laurier. A la suite de ce constat, Mme X a refusé une nouvelle intervention de la société "Les Jardins de Kerperdrix", elle a fait intervenir M. K, paysagiste.

M. K, dans une attestation du 24 avril 2018, qui n’est pas utilement contredite par les consorts Z-A, décrit les travaux qu’il a effectués. Outre l’arrachage des rhizomes et la reprise de l’enrobé, il a posé un pare racine de 25 mètres de long, à 70cm de profondeur en limite de propriété.

M. D avait effectué les travaux du mois de mars 2016 pour le compte de la société Les Jardins de Kerperdrix. Il déclare dans une attestation du 27 mars 2017 :

« Au terme de ces travaux, j’avais convenu avec Mme X de m’appeler s’il y avait quelques repousses de bambous, elle ne m’a pas manifesté son désaccord. En effet, le laurier de Mme X n’avait pas été arraché et des repousse de bambous dans ces racines était possible.

Si le cas se produisait, nous les détruisions dès leur apparition, afin d’éradiquer totalement ces pousses.

Le 10 mai 2016, M. A nous téléphonait suite à une repousse dans le jardin de Mme X.

Après avoir contacté Mme X, nous nous sommes présentés à son domicile pour régler le problème mineur à cette date, mais elle ne nous a pas répondu, ni ouvert le portail.

De plus, nous avons découvert que Mme X, protégeait la pousse de bambou dans l’enrobé, avec un pot de fleurs, afin de ne pas l’écraser avec sa voiture pour que le bambou prolifère à nouveau.

En conclusion, Mme X, ne nous laissant pas accès à son jardin, nous n’avons pas pu, à l’état de jeunes pousses, supprimer les bambous dont nous avions évoqué la possibilité avec elle.

Il est donc urgent que nous accédions à son jardin afin d’éradiquer ces repousse de bambous ».

Il ressort des éléments rapportés ci-dessus que ce sont les bambous plantés sur le fonds Z-A qui ont proliféré sur le fonds voisin, nonobstant les "stops racines" installés autour des touffes. Ceci n’est pas contesté par les consorts Z-A, la seule contestation portant sur le caractère suffisant ou non des travaux de la société "Les Jardins de Kerperdrix". Le caractère malveillant de Mme X qui souhaiterait volontairement faire proliférer les bambous sur son terrain n’est qu’une hypothèse dont la véracité n’est pas corroborée par la couverture d’une pousse par un pot de fleur.

La repousse d’un bambou sous l’enrobé moins de deux mois après la première intervention de la société Les Jardins de Kerperdrix démontre que ses travaux étaient insuffisants. Sa préconisation ne pouvait suffire à enrayer le phénomène dès lors que Mme X, profane en matière d’horticulture, n’a pas la compétence pour déceler une repousse qui va se manifester sous le bitume des allées. La dégradation de l’enrobé des allées de son jardin constitue un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage dont Mme X peut demander réparation. De plus, en faisant diligenter des travaux insuffisants pour mettre un terme à ce trouble, les consorts Z-A ont engagé leur responsabilité délictuelle.

En ce qui concerne l’indemnisation du préjudice, force est de constater que les travaux effectués par la société Les Jardins de Kerperdrix correspondent à ceux qui étaient prévus sur le devis Viallefond, qui ne prévoyait pas de pose de pare-racine. Mme X se borne à demander à titre d’indemnité définitive le montant provisionnel prévu par l’ordonnance de référé sans justifier d’une dépense exposée pour les travaux qu’elle a fait effectuer par M. K. Dès lors, le préjudice de Mme X sera justement réparé par une indemnité de 2. 000 EUR.

Il résulte de ce qui précède que Mme X n’a pas commis d’abus dans l’exercice de ses droits. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts Z-A de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et en condamnation de Mme X au paiement d’une amende civile.

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 4 février 2020, RG n° 18/06091