Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 16 février 2020

 

M. Z et Mme Y ont divorcé. Par acte notarié madame a cédé à monsieur ses parts dans une société civile immobilière (SCI) existant entre eux, au prix de 12.000 EUR. Il s'est avéré par suite que le prix de cession était très inférieur à la valeur réelle des parts. Madame a demandé la condamnation in solidum de M. Z et du notaire, maître A, à lui régler une somme égale à la moitié de la différence entre l’actif et le passif de la SCI, au jour de la cession des parts sociales, déduction faite du prix de la cession des parts sociales .

Sur la responsabilité du notaire

Il résulte de l’interprétation de l’arti. 1382 du Code civil (devenu 1240) que le notaire, en sa qualité de rédacteur d’un acte, est tenu de procéder à des recherches avant d’authentifier un acte, afin d’en assurer l’efficacité, et à ce titre, de procéder à toutes les formalités nécessaires à établir l’existence et la consistance des biens. A ce titre, le notaire a l’obligation de n’authentifier que des actes ayant une efficacité juridique normale.

En application de ce texte, le notaire, tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant le fait qu’il n’a fait qu’authentifier les actes établis par les parties, mais en présence d’un accord définitif, réduisant le rôle du notaire à le constater et à en formaliser la teneur, le notaire ne peut se voir reprocher un manquement à l’obligation d’information et de conseil. En revanche, lorsque le notaire a proposé les modalités de calcul pour fixer le nombre de parts sociales représentant le bien attribué, il est tenu d’attirer l’attention des parties sur l’importance d’une évaluation exacte des actifs de la SCI et les risques d’une référence au seul prix de vente d’une parcelle à des membres de la famille, sans tenir compte de la valeur réelle de chaque bien immobilier.

En outre, l’obligation de conseil ne s’applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ; ainsi, une partie ne saurait demander la réparation d’un préjudice résultant selon elle d’une circonstance dont elle avait connaissance à la date de l’acte prétendument dommageable. De même, le notaire n’est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l’opportunité économique d’une opération en l’absence d’éléments d’appréciation qu’il n’a pas à rechercher.

Enfin, le secret professionnel interdit au notaire de révéler au vendeur d’un bien immobilier qu’il avait été chargé par l’acquéreur de procéder à sa revente, quel qu’en soit le prix; en outre, le notaire, qui n’était pas tenu de procéder à des vérifications par recoupement avec des éléments réunis à l’occasion d’un autre acte reçu en son office, ne commet pas de faute en ne faisant pas état des cessions ou projets de cession auxquels les acquéreurs étaient tiers et à propos desquels le notaire était tenu au secret professionnel.

En l’espèce, l’affirmation de Mme Y selon laquelle maître A aurait eu un rôle actif dans la négociation de l’accord entre les associés sur la fixation du prix de cession des parts de la société civile immobilière n’est pas établie par les pièces versées au dossier qui consistent uniquement en des envois d’évaluations de l’actif et du passif le 30 novembre 2011 et le 23 avril 2014, ce dernier courrier contenant en outre la relation du souhait exprimé par M. Z, à défaut d’accord, d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire. Ces éléments traduisent uniquement la relation des propositions de M. Z, sans négociation particulière ni recours à une méthode spécifique d’évaluation des parts sociales qui l’aurait contraint à alerter les parties sur les risques existants. Dès lors, le notaire ne pouvait être tenu d’une obligation de conseil quant à l’opportunité économique de l’opération en cause, mais était simplement tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes.

Il s’évince en outre de ce qui précède que l’absence de mention dans l’acte de cession du montant du capital restant dû au titre des prêts, comme l’omission dans l’actif du bateau propriété de la SCI, ne peuvent être considérés comme un manquement du notaire à son obligation d’information, dès lors que ces informations soit étaient connues soit auraient dû être connues de l’appelante en sa qualité de gérante de la société civile immobilière JFMC Flore. Il est au demeurant établi par courrier du 23 avril 2014 que l’appelante produit en pièce n°24, que ces deux éléments avaient été communiqués à l’appelante par le notaire, celle-ci devant, en cas de constestation des montants qui y étaient portés, procéder à toute investigation utile, y compris par voie de décision judiciaire, que sa qualité de gérante l’autorisait à effectuer.

La connaissance par maître A de la proprosition d’achat effectuée par la société Timanina dont il a reçu l’acte constitutif le 15 décembre 2014, soit11 jours avant la cession des parts, relevait du secret professionnel auquel il est astreint; il lui était donc interdit de la révéler à Mme Y, même si elle était associée de cette société civile immobilière, et en tout état de cause, il n’était pas tenu de procéder à des vérifications par recoupement avec des éléments réunis à l’occasion d’un autre acte reçu en son office. Dès lors, Me A n’a pas commis de faute en ne faisant pas état des cessions ou projets de cession auxquels Mme Y était tierce et à propos desquels il était tenu au secret professionnel.

Enfin, l’intervention de maître A, notaire s’étant limitée à la transmission d’un projet de cession de novembre 2011 contenant une évaluation de l’immeuble supérieure à la valeur de vente, et le courrier de maître A du 23 avril 2014, mentionnant une évaluation 6,67% inférieure aux prix de vente final, relayant la volonté de M. Z d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire et mentionnant les conséquences prévisibles (dissolution et partage avec demande d’attribution des biens sans contrepartie financière sauf des dettes à finir de payer), ne traduit pas une distorsion de la réalité par la présentation d’informations excessives au regard de la situation réelle de la société telle qu’elle résulte des éléments communiqués à la cour, ou encore l’existence de 'pressions’ et ne caractérise pas l’existence de manoeuvres dolosives destinées à surprendre son consentement.

Dès lors, aucune faute du notaire n’est établie par l’appelante ; le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme Y de l’intégralité des demandes formées à son encontre.

Référence: 

- Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 11 février 2020, RG n° 18/03621