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Le 18 septembre 2018

Le projet de loi ELAN "Evolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique" se trouve à l'étude en commission mixte paritaire. Parmi les dispositions qui intéressent directement l'activité notariale, celles concernant la VEFA,  comprenant un nouvel article 22 bis A, aurait pour conséquence une profonde modification du droit. Le champ du secteur protégé pourrait en effet être sensiblement restreint.

Si la loi est adoptée, le modèle de VEFA "secteur protégé", défini aux articles L. 261-10 du CCH, et que le notaire doit actuellement adopter dès lors que le bien objet de la vente est à usage d'habitation, ne serait imposé qu'au regard de la qualité de chaque acquéreur !

Le texte prévoit effectivement de cantonner les dispositions protectrices aux seuls acquéreurs en VEFA répondant à la qualité de "consommateur" ou de "non professionnel" au sens du Code de la consommation.

La proposition de texte, qui tient en une seule ligne, soulève bien des interrogations.

D'abvord, la notion de secteur protégé ne vise pas que le seul droit de la VEFA. Elle s'étend à bien d'autres contrats du droit immobilier. Aussi, la restriction du régime renforcé de la VEFA soulève dès lors, nécessairement, la question de la restriction du champ du secteur protégé pour tous ces autres contrats (CCMI, CPI, etc.).

Pour la seule VEFA, ensuite, d'autres distinctions pourraient elles-mêmes se trouver réinterrogées. Parce qu'une jurisprudence récente tend déjà à retenir une interprétation subjective de la notion d'usage. Suivant une conception classique un bien était à usage d'habitation en raison de ses seules caractéristiques intrinsèques. Suivant une conception plus moderne, les juridictions, et par suite la pratique, prennent également parfois en compte les modalités de mise à disposition du logement, sortant par exemple les résidences-tourisme du champ du régime protecteur impératif. La question se poserait du maintien d'une double restriction.

Par ailleurs le secteur libre connaît lui-même des types d'acquéreurs bien différents, qui pourrait par exemple amener à faire le départ entre les professionnels de l'investissement immobilier, et ceux qui, acquéreurs exploitants, agissant certes à titre professionnel, mais sans pouvoir justifier de réelles compétences en matière immobilière ou de construction.

Enfin sur un plan plus technique et pratique, cette réforme de la VEFA sera potentiellement susceptible de faire remonter quelques difficultés dans des hypothèses qui sont pourtant amenées à se développer. Par exemple des lots à usage d'habitation, vendus à un acquéreur professionnel (par exemple un promoteur achetant en VEFA inversée) et qui céderait ses VEFA à des cessionnaires "consommateurs". L'acte, initialement sorti du régime renforcé par la loi ELAN et ainsi libéré des contraintes d'échéancier légal de paiement, de mentions requises ad validatem, des délais encadrant les clauses résolutoires ou de garanties, voire même de l'obligation de souscrire une garantie d'achèvement, se retrouverait soudain, du fait de la qualité du cessionnaire, au sein de ces mesures impératives.

Référence: 

- Le projet de loi amendé et :  La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 37, 14 Septembre 2018, act. 726, Loi ELAN et la VEFA dans le tumulte du torrent... Libres propos par Gwenaëlle Durand-Pasquier, agrégée des universités, professeur à l'université de Rennes I, membre de IODE UMR CNRS 6060