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Le 02 mai 2020

 

Monsieur et madame R, les voisins plaignants, soutiennent que :

* le permis de construire, même définitif, est toujours délivré sous réserve des droits des tiers ;

* les deux propriétés sont les lots n° 4 et 5 d'un lotissement soumis à des règles contractuelles d'implantation rappelées dans leur titre de propriété, qui ne sont pas respectées par la construction de Monsieur et Madame V. ; le plan de morcellement fait apparaître une zone non aeficandi de quatre mètres de part et d'autre des limites séparatives de ces lots ;

* le permis de construire n'est pas conforme au PLU, en ce qu'il est contraire aux règles d'implantation prévues UE7 ; le tribunal administratif n'a pas jugé de la légalité du permis de construire en raison de la tardiveté du recours ;

* le permis de construire n'a pas été respecté, en ce qui concerne la hauteur de la construction et la pente de toit ;

* la construction leur occasionne un trouble anormal de voisinage ;

Monsieur et Madame V, les constructeurs, soutiennent que :

* leurs permis de construire sont définitifs depuis le jugement du 13 juin 2014 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté la demande d'annulation présentée par les époux R ;

* la preuve n'est pas rapportée que le cahier des charges du lotissement ait une valeur contractuelle ; en tout état de cause, la zone de quatre mètres sans construction entre les propriétés a été supprimée par l'arrêté du 15 juin 1967 ; les époux R produisent un projet de plan de morcellement, sans démontrer que ce plan a été approuvé par les colotis, ou qu'il ait été publié ;

* ils n'ont pris aucun engagement contractuel à l'égard de leurs voisins ;

* les époux R ne peuvent demander la démolition de leur extension en se fondant le non respect des règles d'urbanisme dès lors que le permis n'a pas été annulé pour excès de pouvoir ;

* en ce qui concerne le non respect du permis de construire, seule la pente du toit était non conforme, et la mise en conformité a été réalisée ;

 * il n'est pas justifié d'un trouble anormal de voisinage :

Sur le cahier des charges du lotissement :

Le règlement de lotissement qui contient des règles spécifiques d'urbanisme venant compléter celles de droit commun ne peut avoir de valeur contractuelle que si les propriétaires ont manifesté une volonté expresse en ce sens. Mais le cahier des charges du lotissement, convention de droit privé, constitue un document contractuel qui engage les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, et ceci, qu'il soit approuvé ou non.

Monsieur et Madame R produisent aux débats leur titre de propriété et celui des consorts G qui sont les auteurs de Monsieur et madame V.

Ces titres rappellent que :

* l'autorisation de lotissement a été accordée par arrêté préfectoral du 6 juillet 1967.

* a été publié le 8 septembre 1967 au bureau des hypothèques de Saint Malo, l'acte authentique du 6 juillet 1967 qui dépose au rang des minutes du notaire :

    -l'ampliation de l'arrêté du 6 juillet 1967

  - le règlement d'utilisation des lots

  - le programme des travaux de lotissement

  - un plan de situation du terrain

  - le profil en travers et en long de la voie projetée

  - le plan de morcellement.

Le «règlement d'utilisation des lots» est reproduit à l'acte. Il prévoit en son article 2 relatif à l'implantation des constructions «'Les constructions édifiées seront implantées en respectant les zones non-aeficandi portées sur le plan de morcellement. La largeur de ces zones sera de quatre mètres sur les propriété voisines et de cinq mètres sur les voies riveraines'». Les articles 3 à 4 sont relatives à la hauteur, le nombre d'étages et l'aspect des constructions, l'article 7 est relatif aux clôtures, les articles 8 des 10 à l'alimentation en eau potable et l'évacuation des eaux usées.

Ainsi, sous le titre «règlement d'utilisation des lots» se trouvent réunies des dispositions d'urbanisme et des dispositions qui ressortent du cahier des charges telles que l'aspect des constructions, les clôtures, la charge de l'alimentation en eau potable, d'évacuation en eau usée, d'alimentation en électricité, les servitudes d'esthétique et d'hygiène. En intégrant toutes ces dispositions dans un même document publié, les consorts H, qui ont loti le terrain leur appartenant indivisément (page 3 de l'acte de vente), ont eu la volonté de donner à toutes ces dispositions la valeur contractuelle d'un cahier des charges.

Les époux R produisent aussi un document intitulé «projet de morcellement». Ce document comporte la date du 15 juillet 1967 et le tampon de la préfecture ainsi que la mention «pour ampliation», dont il ressort qu'il est une copie du plan de morcellement publié le 8 septembre 1967, même s'il est intitulé «projet». La distance de quatre mètres entre les constructions et les limites de propriété de chaque lot figure clairement sur ce plan.

Il résulte des dispositions de l'article 1er l'arrêté du 6 juillet 1967, également reproduit aux actes de vente que l'autorisation de lotir est accordée sous réserve de l'observation de diverses dispositions parmi lesquelles, la suppression de la deuxième phrase de l'article 2 du règlement d'utilisation des lots.

A l'issue de cette suppression, l'article 2 du cahier des charges doit être lu ainsi : «Les constructions édifiées seront implantées en respectant les zones non-aeficandi portées sur le plan de morcellement.» Ainsi, nonobstant la suppression de la deuxième phrase de l'art. 2, le cahier des charges fait directement référence au plan de morcellement dont il s'approprie les données. Il en résulte que la distance de quatre mètres entre les constructions et les limites de propriété portées sur le plan de morcellement est intégrée au cahier des charges qui engage les colotis. 

Il ressort des différentes photographies jointes au constat d'huissier du 8 janvier 2013 et du rapport d'expertise judiciaire, que l'extension des époux V a été édifiée en limite de propriété sans respecter les marges de recul imposées par le cahier des charges.

Dès lors, l'action des époux R, en démolition de la construction réalisée en violation des dispositions contractuelles entre colotis a vocation à prospérer, même si le permis de construire, aujourd'hui définitif, n'a pas été annulé préalablement pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Référence: 

- Cour d'appel, Rennes, 1re chambre, 17 mars 2020, RG n° 18/02063