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Le 11 mai 2020

 

Le Conseil Constitutionnnel a été saisi le 6 février 2020 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 219 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société A.D-Trezel .Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

L’article L. 145-34 du code de commerce prévoit que, à moins d’une modification notable des éléments de détermination de la valeur locative qui sont mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code, le loyer de renouvellement des baux commerciaux dont la durée n’est pas supérieure à neuf ans est plafonné. Le dernier alinéa de cet article L. 145-34, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 juin 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit :« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ». 

La société requérante, rejointe par les parties intervenantes, soutient que ces dispositions porteraient atteinte au droit de propriété du bailleur. Elle fait valoir que cette limitation de l’augmentation du loyer lors du renouvellement du bail ne serait justifiée par aucun motif d’intérêt général et pourrait avoir pour effet d’imposer un niveau de loyer fortement et durablement inférieur à la valeur locative du bien, entraînant ainsi une perte financière importante pour le bailleur. De plus, elle soutient que si ces dispositions peuvent être écartées par les parties dès lors qu’elles ne sont pas d’ordre public, leur application aux baux en cours, conclus avant leur entrée en vigueur mais renouvelés postérieurement, conduit dans ce cas à priver, en pratique, les bailleurs de la possibilité d’y déroger. 

Il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. 

L’article L. 145-33 du code de commerce dispose que le loyer du bail commercial renouvelé doit correspondre à la valeur locative du bien loué et que, à défaut d’accord des parties, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et le prix couramment pratiqué dans le voisinage. Le premier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce instaure un plafonnement du loyer ainsi renouvelé, en prévoyant que son taux de variation ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré. 

Cette règle de plafonnement ne s’applique cependant pas aux baux initialement conclus pour une durée de plus de neuf années. Elle ne s’applique pas non plus aux baux dont la durée n’est pas supérieure à neuf ans lorsqu’est intervenue, entre la prise d’effet du bail initial et celle du bail à renouveler, une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité. Dans ces deux cas, les dispositions contestées prévoient que la variation du loyer ne peut toutefois conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. 

Ces dispositions empêchent le bailleur de percevoir, dès le renouvellement de son bail et le cas échéant jusqu’à son terme, un loyer correspondant à la valeur locative de son bien lorsque ce loyer est supérieur de 10 % au loyer acquitté lors de la dernière année du bail expiré. Elles portent ainsi atteinte au droit de propriété. 

Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. 

En deuxième lieu, les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d’une augmentation de 10 % du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative. 

En dernier lieu, les dispositions contestées n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement. En outre, s’agissant des baux conclus avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et renouvelés après cette date, l’application de ce dispositif ne résulte pas des dispositions contestées, mais de leurs conditions d’entrée en vigueur déterminées à l’article 21 de la loi du 18 juin 2014. 

Il résulte de ce qui précède que le législateur n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution. 

Référence: 

- Conseil constitutionnel, décision n° 2020-837 QPC du 7 mai 2020, Société A.D-Trezel [Conditions de revalorisation des loyers de certains baux commerciaux]