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Le 07 février 2019

Par acte sous signature privée du 8 septembre 2015, la société LES ATELIERS CHRISTOFLE a consenti à la société LES PRODUCTIONS DE LA PLUME, représentée par sa gérante Mme Noémie M, un bail de courte durée de 36 mois avec prise d'effet au 8 septembre 2015, portant sur des locaux situés [...], moyennant un loyer annuel en principal de 150'000 euro avec une franchise de loyers et charges de trois mois en contrepartie des aménagements laissés à sa charge et le paiement d'un dépôt de garantie de 37'500 euro.

Selon les stipulations contractuelles, le local devra être affecté par le preneur à l'usage d'activités de production et organisation de spectacles et manifestations culturelles et événementielles, et toutes activités connexes. Le local n'est pas destiné à effectuer des manifestations religieuses, du commerce sur place, ni à drainer une clientèle extérieure pour vente au détail.

Les parties se sont rapprochées par d'intermédiaire de deux agents immobiliers.

Le 16 septembre 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception envoyé par l'intermédiaire de l'un des agents immobiliers, la société LES ATELIERS CHRISTOFLE a informé le preneur du fait qu'elle estimait avoir été trompée et considérait que le bail était nul et n'avait jamais existé. Elle lui a envoyé un chèque de 37'500 euro en remboursement du dépôt de garantie et demandé la restitution des deux télécommandes d'accès au site ainsi que des clés confiées lors de la signature du bail avec sommation de ne plus pénétrer en aucune façon dans l'enceinte du site CHRISTOFLE. Ce courrier précisait que si la société LES ATELIERS CHRISTOFLE avait su que la société LES PRODUCTIONS DE LAPLUME était la société de production de M. Dieudonné M'B. M'B., le contrat n'aurait jamais été conclu en raison "des troubles de jouissance au voisinage et les troubles à l'ordre public qui se sont produits par le passé en d'autres lieux".

Par ordonnance du 9 octobre 2015, le juge de référés du tribunal de grande instance de Bobigny, saisi par la société LES PRODUCTIONS DE LA PLUME a, d'une part, ordonné à la société LES ATELIERS CHRISTOFLE de procéder, à ses frais et dans le mois de la signification de la décision, à une remise en état des accès aux locaux objet du bail et, d'autre part, ordonné la suspension des effets du contrat de bail du 8 septembre 2015 jusqu'à la décision des juges du fond.

Après pas mal de péripéties, la propriétaire a assigné au fond, puis le litige a été porté devant la cour d'appel.

Pour la cour d'appel, il convient d'annuler le bail commercial, portant sur des locaux à usage de spectacles, pour dol de la société locataire. Cette dernière a en effet dissimulé l'identité de l'artiste devant se produire dans les locaux, artiste qui a déjà fait l'objet de différentes procédures pour diffamation, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale et dont les spectacles génèrent un risque avéré de troubles à l'ordre public. La gérante de la société locataire, compagne de cet humoriste, savait qu'elle avait peu de chance de conclure le bail si elle révélait le nom de l'artiste. La société bailleresse établit pour sa part qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait connu l'identité de l'artiste devant se produire dans les locaux donnés à bail, compte tenu des troubles à l'ordre public pouvant en résulter alors qu'elle était tenue d'assurer une paisible jouissance des lieux aux sociétés locataires des locaux voisins, certaines lui ayant indiqué, dès la découverte de l'arrivée de l'humoriste, qu'elles souhaitaient compte tenu de cela résilier leur bail.

La demande d'indemnisation formée par la bailleresse doit cependant être rejetée, puisque la preuve n'est pas apportée d'une atteinte à l'image et à l'honneur de la société bailleresse. La conclusion du bail a certes été mentionnée dans un article de presse, mais la bailleresse y est présentée comme une victime des agissements du preneur.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 26 septembre 2018, RG N° 16/24724