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Le 19 février 2017

Par acte authentique reçu par maître Henri M, notaire à Paris, en date des 21 et 28 juillet 1994, intitulé bail professionnel', la Caisse de Retraite des Notaires a donné à bail à la SCP François F. et Alain N, notaires associés, ainsi qu'à Maître Louis-Marc J, notaire, intervenant en qualité de futur associé de la SCP sus-dénommée, des locaux situés à Paris [...], 4e étage, ainsi que les caves numérotées A6 à A10 du 1er sous-sol et quatre parkings numéros 548, 546, 544, 542 du 5ème sous- sol du parking Hoche-Courcelles, pour une durée de douze années à compter du 1er janvier 1995 expirant le 31 décembre 2006, moyennant un loyer trimestriel de 450 000 EUR.

L'acte précisait que les lieux étaient destinés à l'exercice de l'activité professionnelle de notaire et que le preneur, qui était informé que les lieux étaient jusqu'alors à usage d'habitation, acceptait de faire son affaire de l'obtention des autorisations administratives nécessaires à son installation.

Le contrat litigieux, intitulé "bail professionnel" porte sur des locaux d'habitation à usage d'office notarial.

En application de l'art. L 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dans les communes définies à l'art. 10-7 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, les locaux à usage d'habitation ne peuvent être ni affectés à un autre usage ni transformés et il ne peut être dérogé à ces interdictions que par autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire. Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de ces dispositions. Le contrat de bail, reportant sur les preneurs l'obligation légale de demander les autorisations administratives préalables nécessaires au changement d'affectation, qui sont accordées à titre personnel, alors que l'autorisation administrative exigée par la loi aurait dû être obtenue par le propriétaire, préalablement à la signature du bail, doit être annulé, comme conclu en violation des dispositions précitées.

La renonciation au bénéfice de dispositions légales doit être expresse et ne se présume pas. Il ne peut se déduire de la seule qualité de notaire du locataire que celui-ci avait connaissance de l'obligation qui pesait sur le propriétaire d'obtenir, préalablement à la signature du bail, l'autorisation administrative exigée par la loi, et qu'il a renoncé, en connaissance de cause, à se prévaloir de la nullité dudit bail conclu en violation des dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation. En tout état de cause, cette méconnaissance de la réglementation applicable doit être également reprochée au propriétaire, qui en sa qualité de notaire, et au surplus de bailleur, ne pouvait encore moins ignorer les obligations qui étaient les siennes. En l'espèce que, ni le versement des loyers par les locataires pendant plusieurs années, sans réserve ni contestation, ni la jouissance qu'ils ont eu des locaux aux conditions du bail jusqu'à son échéance, et même au-delà, ne constituent des actes non équivoques d'une renonciation de leur part en connaissance de cause à se prévaloir de la nullité dudit bail, ni aux conséquences d'une telle nullité.

Dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution et, lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer, comme la jouissance d'un bien loué, doit s'acquitter du prix correspondant à cette prestation. La nullité du bail implique donc l'obligation pour le bailleur de restituer les loyers qu'il a perçus au titre de la convention locative, de même que l'obligation pour les preneurs de payer une indemnité d'occupation représentative de la valeur locative des lieux occupés au titre de la présence de l'office notarial dans les lieux, et jusqu'à son départ effectif.

Le bailleur est condamné à restituer aux locataires la somme de 801 467 EUR au titre des loyers indûment payés, à l'exclusion de la somme de 58 859 EUR correspondant à 6 mois de loyers versées spontanément par les locataires postérieurement à la date d'effet du contrat et constituant une indemnité d'occupation que le propriétaire n'est pas tenu de restituer.

En conséquence de l'annulation rétroactive du contrat de bail, le locataire est redevable d'une indemnité d'occupation représentative de la valeur locative des lieux occupés constitués par un appartement situé à Paris, 43 avenue Hoche, 4e étage, d'une surface totale de 453 m2, deux caves et quatre parkings du 5ème sous- sol du parking Hoche-Courcelles. En raison de sa nature mixte, indemnitaire et compensatoire, l'indemnité d'occupation constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des lieux et assure, en outre, la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail. En l'espèce, étant la conséquence des prestations effectivement échangées par les parties en exécution du contrat annulé, elle relève du seul droit des restitutions et est étrangère à la réparation des conséquences préjudiciables issues de l'annulation du contrat. En se basant sur les estimations de la valeur locative de l'OLAP, les locataires sont donc redevables, au titre de leur occupation depuis le 1er avril 2005 jusqu'au 31 décembre 2008 d'une indemnité d'occupation d'un montant total de 324 048 euros hors charges, et hors taxes, l'indemnité d'occupation, qui n'a pas la nature d'un loyer, n'étant pas soumise à la TVA en ce qu'elle n'est pas la contrepartie d'une prestation licite. Il convient en outre de déduire de ce montant la somme de 58 859 EUR versée spontanément par les locataires au bailleur, postérieurement à la date d'effet du congé. Le locataire est condamné à payer au bailleur la somme de 265 188 EUR au titre de l'indemnité d'occupation dont il est redevable pour la période comprise entre le 1er avril 2005 et le 31 décembre 2008.

Le notaire doit, au titre de son devoir de conseil, assurer à la fois la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit. En recevant un acte contenant une clause illicite, entraînant sa nullité, le notaire instrumentaire a failli à son obligation de conseil, la connaissance par le bailleur, lors de la signature de l'acte, de la nécessité d'obtenir au préalable l'autorisation de changement d'affectation des locaux, que le notaire ne démontre pas en l'espèce, ne pouvant le dispenser de son devoir d'information et de conseil. En effet, la reprise ultérieurement par les parties d'une clause identique dans un protocole d'accord du 25 novembre 1994 se rapportant à l'exécution de travaux, hors la présence du notaire, n'est pas susceptible d'exonérer celui-ci de sa responsabilité. Le notaire instrumentaire ne saurait reprocher au bailleur de ne pas avoir mis en oeuvre la clause résolutoire contenue dans le bail et de ne pas avoir mis en demeure le preneur de justifier de la demande et de l'obtention des autorisations administratives, alors précisément que cette condition, insérée par le notaire instrumentaire, est entachée de nullité. Il y a lieu, en conséquence, de condamner le notaire instrumentaire, à relever et garantir le bailleur de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, dont principalement la condamnation à restituer aux locataires la somme de 801 467 EUR HT au titre des sommes versées à titre de loyers en exécution du bail qui résulte directement de la nullité du contrat de bail consécutive à la faute du notaire, ainsi que les condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 3, 12 janvier 2017, RG N° 15/17010